Le choix de la douceur ?

Version audio du texte :

« La douceur c’est renoncer à faire le choix de la violence permanente »

Il est 01h01 et alors que j’attends patiemment que mon fils se rendorme, cette phrase me reviens comme un boomerang sur fond de lumière tamisée.

Renoncer à faire le choix de la violence permanente

Le choix de la violence permanente

La violence permanente

Permanente

.

Il est de ces phrases qui ouvrent en vous en quelques secondes une faille réflexive abyssale et vous enjoignent à porter un regard différent autant derrière que devant vous à chaque fois qu’elles remontent à la surface de votre conscience après leur premier surgissement…  Et pour moi celle-là en fait partie.

 Car c’est bien elle qui m’a conduit à faire ce que je pensais avoir compris à une époque comme étant le choix de  la douceur : la violence permanente.

La violence psychologique, émotionnelle, physique, sensorielle, factuelle, sociale, raciale, politique, systémique, subjective, objective, symbolique, patriarcale, familiale, et j’en passe.

Cette violence aux mille visages augmentée du coefficient d’une hypersensibilité qui, je le pensais jusqu’il y a peu,  avait fait de moi, une agression après l’autre mais aussi un refus de riposte après l’autre non pas ce que j’étais devenue mais bien celle que je risquais de me condamner à devenir dans la continuité d’un élan de construction identitaire réactionnel : une machine à arrondir les angles, pathologiquement ireniste qui, dans le déni de la justesse de la réalité violente de la vie, déploierai jusqu’à ce que mort émotionnelle s’en suive des trésors d’énergie pour en effacer toute trace de violence visible de son expérience du monde, de celle des autres  et des relations.  Et.. Se faisant, se voiler la face bien comme il se doit.

Spoiler alert : erreur fatale.

Méprise totale.

Car dans ce schéma-là, elle ne fait que de se déplacer la violence en fait. Passant du visible aux yeux de tous à l’invisible aux miens. En la taisant, je me la suis collée à la peau. Et comble du désespoir, c’est mon intégrité que je prenais ainsi soin, un conflit renié après l’autre, d’agresser. 

Et ça, érigé en mode de vie ce n’est plus de la douceur. En fait, c’est le choix de la violence permanente. Celle-là même qui m’a rendue sourde et muette à moi-même.

Alors forcément je m’interroge : et si la violence pouvait aussi venir du fait de faire le choix de la douceur permanente ?

Faire le choix de la douceur permanente

La douceur permanente

Permanente.

Je n’en sais trop rien.

Et si choisir la douceur c’était peut-être déjà bien la comprendre. Ne pas l’idéaliser. La prendre pour ce qu’elle est, ni intrinsèquement supérieure ou inférieure aux autres options.  Juste un choix qui comme les autres porte en lui le potentiel de devenir destructeur s’il est poussé à l’excès.

Ne quid nimis disait l’autre.

L’excès en tout est un défaut…

En tout vraiment ? Il n’existerait donc rien de fondamentalement non nuisant ? Ça aussi ça se discute…

La nuit avance, le sommeil se rapproche et voilà que je m’égard.

1h51

Tout est dans la dose. Et si le tout c’était d’oser doser?

Je dois avouer que ça me fait encore un peu mal de l’accepter mais oui, la violence fait bien partie de ce tout. Et comme la douceur, elle peut se nicher autant dans le tout que dans le rien.

L’abstention quand on y pense, n’est-elle pas là l’exemple le plus évocateur de cette ambivalence. Des abstentions, j’en ai connues quelques-unes qui ont été la source ou l’origine tantôt d’une extrême violence tantôt d’une extrême douceur.

Et si la douceur c’était d’avoir le courage de la mesure ?  Non pas juste comme résultat mais bien comme processus. Le courage de prendre la mesure, de prendre en considération, de considérer, reconsidérer à chaque instant.

Le courage d’embrasser les polarités, de les regarder en face, de les accueillir, de faire avec.

Hmhm, courage ou nécessité ?

Le CHOIX de la douceur. Mais de quoi parle-t-on ?

Est-il à la portée de tous ? À tout moment ?

Quels en sont les déterminants ?

Choisis-t-on vraiment de savoir choisir ?

Puis le sommeil.

Pour la petite histoire, au moment de relire ce texte pour le partager je me suis dis « tiens je lirais bien l’ouvrage dont est issue cette phrase entendue à l’atelier de Peggy ». Je fouille dans mes notes et découvre que ce n’est pas la citation que j’ai mémorisé mais le rebond réflexif qu’elle a causé dans mon esprit. Cela n’a pas une grande importance, mais tout de même, pour le plaisir du partage, je dépose là l’originale :  Dans Ethique à Nicomaque, Aristote écrit : « Est doux celui qui renonce à la violence permanente ».

Affaire à suivre…

Merci P.W

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