
« N’oublions pas que pour peu qu’elle soit choisie, l’invisibilité est un super pouvoir ».
Dommage que cette affirmation ne soit vraie que dans les contes de fée et la fiction en plus d’être particulièrement fausse voire dangereuse pour les femmes et les minorités.
Il m’aura fallut trois nuits pour que cette pensée sur laquelle s’est achevée ma journée (ndlr : mardi 16/09), riche des espaces d’échanges et de silence que j’ai eu la chance d’avoir, soit traitée.
Ce matin, vendredi, 4h30, les mots fusent.
On dirait bien que j’ai débusqué une belle croyance limitante dont j’identifie la double origine.
La première familiale. Un double discours auquel seulement les femmes semblent avoir vraiment cru, restant majoritairement des « femmes de derrière les grands hommes ».
La seconde sociétale. De la cape d’indivisibilité d’Harry Potter aux films de super héros c’est cette même idée qui revient. Mais en y réfléchissant bien j’observe une chose. C’est que ce super pouvoir est un pouvoir que j’ai le plus souvent vu utilisé par le masculin — et j’entends par là les hommes perpétuant dans leurs relations aux femmes des schémas genrés répondant aux règles du patriarcat, les femmes n’étant pas en reste à ce sujet mais on y reviendra une autre fois.
Un masculin qui aura d’autant plus le loisir de fantasmer cet état dans ses histoires du soir et ses lectures de divertissement que cela ne représente ni majoritairement sa réalité, ni son quotidien.
Alors, l’invisibilité, un super pouvoir ?
Mais pour qui ?
Il est 4h35. Je suis harcelée de questions.
Et la seule chose que m’inspire la nuit c’est que dans le monde réel s’il y a bien un pouvoir pas super dont il est fait usage allègrement et sans fiction, c’est celui de l’invisibilisation. Des difficultés, des cibles d’abus, de violences, de schémas pervers ou de discriminations, des causes systémiques des inégalités et des injustices, et j’en passe.
Alors, avant de sortir des bras de mes pensées pour retourner dans ceux de Morphée, je laisse mon esprit se réveiller en le confrontant à cette question avant de me rendormir : et si, de tout temps, avec à chaque époque ses modalités, le vrai super pouvoir était celui de la visibilité, pour peu qu’elle soit mise au service d’une vision dont nous sommes les responsables plutôt que les esclaves ?
Et ce, que cette visibilité soit donnée, à travers nous, à notre parcours, nos traversées, nos combats ou aux causes qui nous tiennent à cœur.
Avec la condition qu’elle ne se fasse pas au prix de la bienséance, de la bientraitance, du respect de soi, de l’intégrité et de la santé des autres ni de la notre.
4h45, les pensées continuent de couler, les questions de fuser.
Et si le vrai super pouvoir était celui de la visibilisation ?
Celui de donner à voir, rendre visible les causes qui nous sont chères.
Et s’il n’avait pas besoin d’être surnaturel pour être actionnable ? Et s’il était déjà là, à sa juste mesure, en chacun de nous ?
Le sommeil semble venir me cueillir à nouveau et voilà que la nuit, saisissant sa dernière chance de nourrir ce débat interne, me souffle cette phrase de Rumi : « Il vaut mieux être suivi par peu d’abeilles que beaucoup de mouches ».
Il est 6h45, ma vie s’éveille.
Affaire à suivre…
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